"Empire Maron" de Fayazer : la masterclass du Malotrap entre héritage et innovation

"Empire Maron" de Fayazer : la masterclass du Malotrap entre héritage et innovation

Kan nou la attendi le Roi dans les bwa
la Reine larivé
Kan nou la entendi la trap dann’ tier-quar
Malotrap larivé

Degaz à nou moman dégaz à nou
Dégaz a nou Fayazer larivé
Degaz à nou moman degaz à nou
Néna Empire Maron faut akouté

 

Si un jour le réalisateur afro-américain Jordan Peele à l’origine des films Us et Get Out, véritables masterpieces de la mise en lumière de la Black Culture devait poser ses caméras sous le soleil pour un nouveau film, nuls doutes qu’il choisirait Empire Maron de Fayazer pour sa B.O !

Pour être franc, je ressentais une certaine monotonie dans le game ces derniers temps. Outre-Atlantique rien à signaler à part des bribes de trésors tels que To Pimp A Butterfly ou dans la francophonie la sortie du stratosphérique Qalf Infinity. Autant dire qu’il était difficile de revenir à la trap ou encore à la drill toujours dominée de loin par l’homme guccizé aux grillz…

Qui allait pouvoir apporter une différence, pouaker nout zorey et coller de nouveau une gifle auditive à l’écoute ?

Rassurez-vous, Fayazer s’en est chargé avec Empire Maron, un album orienté Malotrap ! Une bouffée d’air, enfin de l’originalité dans le fond et la forme et qui plus est chez nous !

 

Cover de la pochette de l’album ‘Empire Maron”

 

Que demander de mieux ? Mais Malotrap, kossa sa té ?

Fayazer le dit lui-même, le Malotrap c’est mélanger lo bwa, la forêt avec la street.

Comme si on fusionnait Firmin Viry à Tupac Shakur, Fayazer s’inspire des anciens et leur rend habilement hommage sur un album d’excellente facture, tant dans la qualité des très innovantes prod’ (au casque ou à la barre de son c’est un pur régal) que dans les messages qu’il colporte.

Empire Maron, c’est un livre d’histoire audio de la culture kaf, un hommage à ces cultes et sciences occultes propres à cette black culture du 974, la Kiltir Maronèr, la kiltir kabaré, la kiltir bann rwa ek reines kaf, de toute sak la arrive par bateau dann’tan et la fé le melanz nout nasyon et metisaz nou koné zordi.

Il n’est peut-être pas le pionnier du domaine autant que Grand Master Flash ou Afrika Bambaataa n’ont pas créé le hip-hop mais il ont en commun et à mon sens l’honneur d’être les premiers à pousser aussi loin le mouvement et à lui donner une structure et une ossature, à être aussi cohérent dans la construction de l’album et de son identité tant sur le plan visuel qu’auditif.

Sur l’intro “Empire maron” qui me rappelle les sonorités d’un certain MEVTR, la pas béswin kozé !

À l’écoute des sonorités vives aux contours ethniques, j’ai directement en tête des images d’un rite tribal vestige des rythmes apportés par nos ancêtres malgaches, africains et consorts. J’imagine un Fayazer qui accomplit sont rituel, qui prend la lance, le bouclier en vrai chef libérateur ! Il est prêt à foncer quitte à y rester, le but c’est de nous guider et de nous aider à nous émanciper.

 

 

 

Et cette volonté de s’affranchir teinte vraiment l’ensemble de l’album en lui conférant une thématique ainsi qu’une trame générale logique et cohérente, jusqu’à la conclusion de l’opus qui se nomme même Emansypé.

C’est comme si tous les esclaves parti maron à l’époque se réincarnaient en lui, lui prêtaient la force, pour qu’il puisse mener à bien sa rébellion !

Nou trape lo commandant nou chavire ! – Pirate

Voilà une punchline, imagée et énergique qui pourrait presque à elle seule résumer le sujet du projet.

Fo pa oubli nout bann zancet’ et poukwé zot la batay, zordi a nou aussi nou na la race et fo nou soubat’ pou kasse nout chaîne !

Bien sûr et fort heureusement, nous ne sommes plus enchaînés avec un commandeur qui nous surveille avec le shabouk et qui dispose de nous comme bon lui semble…mais en creusant un peu, cette soumission, cette oppression, on ne la retrouverait pas sous différentes formes ?
Niveau national on a les gilets jaunes, les gens vivent sur un fil rouge, on enchaîne les protestations mais les pouvoirs en place restent sans réponses… ou sans actions…

À la Réunion les problèmes sont légion : taux de chômage des jeunes qui explose, produits importés et surtaxés !
L’oppression peut être dans une nation, dans une entreprise via un tyrannique patron, ou encore même dans un rapport malsain de domination au sein même d’une maison !

Et pi des fwa kissa la pa envie kok son oppresseur un bon taba’ da’guele et chavire toute un bon coup ?!

L’esprit du maronèr qui soubat’ vit au travers de Fayazer et s’exprime avec les moyens de son époque et il entend bien secouer les consciences !

 

 

Pour y parvenir, Fayazer n’hésite pas à clairement marquer sa distinction avec le spectre hexagonal qui nous contrôle à distance. Et une de ces formes d’indépendance se fait notamment par le biais du langage.

Vous l’aurez remarqué, rien qu’au niveau du titre. C’est « Maron » et pas marron.

Certains y verront une faute ou une distorsion langagière ? Cela poussera à l’interrogation et on vous répondra alors que « Non, c’est purement et simplement une fière affirmation d’un héritage et d’un langage à part entière ! »

Fayazer a également dû mener un travail historique et linguistique poussé car de nombreux mots créoles, de vrai créole, qui n’ont pas été entendus depuis très longtemps, refont surface.

Ex : “Lo Rhum y dig dig dann’ corps”. Honnêtement, à part des anciens ou groupes pratiquants le maloya et des historiens spécialisés dans la culture créole, presque plus personne ne parle comme ça…et c’est bien dommage !

Message sérieux et sincère aux étudiants ou profs qui apprennent ou enseignent le créole réunionnais et l’histoire de la Réunion à l’école : jouez Empire Maron, vous capterez mieux votre auditoire et vous comprendrez et assimilerez mieux votre histoire !

Merci à Fayazer de faire vivre la langue et la culture créole, de ressusciter ces mots aux portes de l’oubli en les réadaptant sur des prods modernes avec l’espoir que son public jeune et évolutif puisse les chanter à tue-tête et intégrer ces termes de nouveau à leur vocabulaire pour raviver la flamme !

Petite parenthèse pour attribuer une mention spéciale au titre ” Manzé” qui pour moi sort un peu des sentiers battus et sonne comme la version moderne de ” À l’amour lé doux doux doux à l’amour lé doux dann la kaz en pay’ Ek Ti fanm’ là “ notamment interprété par le grand Luc Donat. Une parenthèse amusante, romantique, souvenir du tan lontan…et qui s’inscrit encore une fois comme une marque d’héritage des aléas de scènes de vies de l’époque.

 

Sur le projet, on retrouve des collaborations qui ne sont pas anodines car les artistes choisis sont connus pour leur amour, soutien et engagement envers la culture maronèr.

Pour achevé, mi diré ke kan mi écoute Empire Maron mi na limprésyon a mwin aussi mi doit soubat’ pou kass mon bann chaine et chavire toute, sauvé, allé chappe dan lé haut, allé maron et mwin aussi fé mon prop’ l’émansypation. 

Un grand merci à Fayazer pour Empire Maron qui se positionne pour moi comme la pierre angulaire du mouvement Malotrap. On possède enfin un genre et une sonorité unique urbaine qui n’est pas importée comme le rap, le dancehall ou la trap. C’est un mélange pour créer un genre unique et vraiment de chez nous . J’espère qu’il continuera d’étoffer cet univers , qui n’existe nulle part ailleurs et qu’il pourra à son tour le propager au-delà des frontières !

Le Maloya influence la trap, le Malotrap influence le monde ?

Tony D.

 

 

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