500-10 de Nicko Real Lion : un album qui donne ses lettres de noblesse au Rap et au Chaudron

500-10 de Nicko Real Lion : un album qui donne ses lettres de noblesse au Rap et au Chaudron

Il y’a des artistes qui, lorsqu’on s’en rapproche au détour d’une rencontre, en interview ou encore simplement à l’écoute, dégagent une aura et suintent littéralement l’essence de la rue et du rap. Encore plus que de le pratiquer, ils le vivent et l’incarnent. C’est le cas de Nicko Real Lion (ndlr que l’on appellera Nicko au long de l’article).

 

Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, Nicko est présent dans le game depuis une décennie. Il est l’auteur de titres tels que “BC” ou encore “YCP”. On le retrouve également régulièrement dans des collaborations qui durent depuis avec Kaf Malbar ou encore son acolyte de toujours Alaza, avec lequel ils sont les piliers du 97G(je me souviens encore de l’excellent Pas l’temps, toujours aussi actuel !) au détour de tracks tant dancehall que rap.

 

Si l’on peut parfois regretter qu’il se fasse rare, force est de constater que Nicko est un vrai sniper de la rime et du flow : à chaque fois qu’il prend le micro, il touche la cible.

Sa communauté est établie et le soutient à chaque sortie de track, ne cessant d’encenser la qualité de ses textes, sa technicité mais surtout son authenticité en tant que « vrai gar Chaudron ».

Récemment en sus de divers posts sur Insta aux fonctions de teasing de son projet, Nicko s’est illustré sur des sons comme Maloki ou encore sur le remarqué BVDMANTING en feat avec Kaf Malbar et cumulant près d’un million de vues.  Une bonne occasion de préparer le terrain pour la sortie de son projet et rappeler qu’il va arriver avec un album lourd, qui va burner la scène locale !

Ce vendredi 09/10, est finalement sorti 500-10 composé de 10 titres, sonnant comme les 10 commandements d’un rap local où jamais le fond et la forme ne se sont aussi bien alliés pour représenter une musique, une vie, une passion, un quartier. Focus sur le projet :

 

 

UN ORFEVRE DE LA TECHNIQUE

 

L’ album bénéficie d’une excellente introduction, Navire, qui a eu droit à son clip réalisé par New Lam et paru le mois dernier. Navire, c’est un peu un condensé de toute la palette de techniques de Nicko qui aura le temps d’être déployée sur les 9 autres titres suivants.

Une technique qu’on peut aborder tant sur les méthodes d’écriture, que sur les sonorités sur lesquelles il s’illustre. On retrouve par exemple un superbe jeu d’assonances avec la répétition de la consonne S et du son /si/.

Exemple :

« …Mi na le tactique indécis, mêm ton biatch vé grimpe dessis, bann mc y trouve incessant mais zot sice a mwin comme Messi dit merci bon dié… ».

Il combine aussi une voix caverneuse, grave et rauque, à de l’autotune qui lui permet de réaliser lui-même ses mélodies, sans rentrer dans un aigu perçant et inaudible.

Il n’y a pas que sa technicité mais aussi la lourdeur des punchlines qu’il faut aussi souligner :

 

Ou tire si poto, pourtan mi parle pa de football Sal Epoque

Nicko compare ici un tir raté au foot, discipline sportive sacrée de la rue, qui finit sur les poteaux ou la transversale, à un traitre qui tirerait sur ses potos (ses amis).

 

UN GARDIEN DE L’AUTHENTICITE

 

Nicko Real Lion est un artiste underground de notre scène rap locale mais qui bénéficie d’un grand respect et d’une reconnaissance des auditeurs et pratiquants du milieu, notamment pour sa sincérité et son authenticité. Le travestissement, ce n’est pas pour lui. Et il vous le fait bien comprendre :

 

Ma pa chante « baby baby » pou 200 billets (non jamais) – Navire

Si faut fé le mignon sans façons – Sal Epoque

 

Ce sont des punchlines qui peuvent prêter à sourire. On imagine ainsi un rappeur se revendiquant authentique verser dans des paroles mielleuses, dénuées de sens ou faire de la pop, moyennant une bonne contrepartie financière.

La tentation est forte mais Nicko résiste. Il préfèrera toujours conserver ses valeurs et son code de conduite que de retourner sa veste dans la musique.

Bon pé y crie a mwin « le sang » mi demande « oussa zot y sorte » ? – Wake Up Call

 

L’authenticité dont il parle n’est pas forcément que musicale, elle est aussi présente dans les relations. En effet, lorsque les projecteurs sont braqués ailleurs il n’y a personne…et dès qu’on sort un projet ça rapplique pour demander de la force ou se revendiquer pote de longue date ?

Non, ce n’est pas pour Nicko qui nous fait comprendre qu’il a su bien identifier les vrais et les faux !

Son authenticité est poussée aussi au-delà de la musique. Nicko c’est aussi quelqu’un qui vit la rue. On l’a vu récemment avec sa marque de T-Shirts 500-10, distribués par ses soins dans divers quartiers. Une démarche atypique et unique, qui marque la disruption en comparaison aux canaux classiques utilisés.

Cela souligne encore plus son côté vrai, Real comme dans son nom et toujours au plus proche de son public.

 

 

 

UN PORTE-VOIX DES QUARTIERS

 Souvent, le Chaudron offre une image ternie, dépeinte comme le théâtre de rixes avec les forces de l’ordre et d’actes violents et ce depuis les révoltes survenues dans les années 90 ou encore plus récemment avec le mouvement des gilets jaunes.

Il s’agit d’un quartier de la capitale où de nombreux jeunes et de nombreuses familles vivent dans le besoin et la précarité, causés par l’inaction des organes étatiques privilégiant la cécité et le mutisme.

Nicko leur rend ici hommage en étant le porte-étendard de ceux que l’on ne voit pas, que l’on n’entend pas et souligne les maux sociétaux qui agitent l’Ile et le Chaudron en particulier.

Les illustrations en sont très nombreuses au long de l’album :

“Apré di lé gar Chaudron lé volèr”

“Na koni la Hess dépi bonhèr” – Navire

 

 

Autrement dit, ne venez pas faire la morale à ceux qui n’ont rien et qui essaient de subvenir à leurs besoins par tous les moyens. Ce n’est pas une volonté mais une triste nécessité.

 

…Fé sak bann chanteurs la pa su faire

Met la Rényon en l’air

Sans oublié ké nout pèp la soufèr – Sal Epoque

 

On peut y voir ici une critique ouverte envers de multiples artistes, quelque soit le domaine d’ailleurs, qui ont été une source de déception pour lui. Ces derniers ont l’opportunité, même la responsabilité, de porter haut et fort les valeurs de notre ile, en rappelant notre lourd passé ainsi que les problèmes actuels qu’elle connaît mais une fois que les poches sont pleines, difficile de penser au collectif.

Encore un élan de fausseté souligné par Nicko, dans une musique résolument authentique au fil de l’écoute.

 

UN ARTISTE DANS LA DUALITE

 

…Diable y jette son dévolu su nous bon dié y vey – Poukwé

Il s’agit pour moi de la plus belle punchline du projet et probablement l’une des meilleures entendues ces derniers temps, toutes catégories confondues.

La punchline possède deux lectures. On peut le voir soit sous l’œil du néfaste :  Diable y jette son dévolu su nous.

Ou on peut l’interpréter comme une bénédiction : Su nou bon dié y vey

Ces concepts indissociables qui nous accompagnent au quotidien, qui rythment nos vies, nos actions et leurs conséquences sont ici magnifiquement liés. Une seule punchline et une pluie d’images : quel plaisir !

Cette dualité est aussi exprimée dans d’autres titres du projet :

Dann cités délabrées l’enfance entre guerre et la paix – Poukwé

Ou fé bien ou fé mal toute lé pas bon – Sal Epoque

Elle figure même sur la pochette de l’album, réalisée par Seym’Art, où Nicko est représenté d’un côté comme auréolé, arborant des ailes d’archange et de l’autre tel un démon.

 

 

500-10 est pour moi l’un des meilleurs albums de rap que j’ai pu écouter sur cette année 2020 et je prends en compte dans ce classement des plus subjectifs des sorties nationales.

Les prods sont excellentes, les punchlines très bien imagées et écrites ; avec des sens multiples et des figures de style qui forcent le respect. C’est un album dont se dégage beaucoup de travail.

Nicko Real Lion maîtrise parfaitement l’autotune (un des rares à y arriver avec Deric) et s’adapte à toutes les prods, qu’elles soient trap, Old School comme sur une partie de Cocaïna ou plus dansantes comme avec Infiniment.

Cette technique et cette versatilité se mettent au service de titres bangers plus que jamais actuels mais dont les contenus sont on ne peut plus travaillés pour un album fonctionnant comme un hymne au rap, à ceux des quartiers et du Chaudron en particulier.

 

Et vous les G’s, qu’avez-vous pensé de l’album 500-10 de Nicko Real Lion ?

Partagez-nous vos avis !

 

Tony D.

A DECOUVRIR AUSSI : KISAILE #22 : Queen Favie, une artiste étincelante

 

 

Laisser un commentaire

2 Comments

  1. Vos articles sont trop longs…

    1. Bonjour !

      Merci pour votre retour sur nos articles.
      J’imagine que vous savez que tous les formats ne sont pas aussi longs en général.. mais nous prenons votre retour et tâcherons d’adapter nos formats d’articles pour les prochaines productions.

      Très originale votre adresse mail par la même occasion !
      Bonne continuation

Répondre à The Real G Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *